La Voie du Yoga : Un Chemin Vers la Lumière Intérieure
La voie du Yoga n’est pas simplement une belle lumière que l’on admire de loin. C’est un chemin quotidien qui nous conduit à une évidence : cette lumière est intérieure, elle ne dépend de rien d’extérieur et elle est toujours là.
« C’est divin, c’est immense, sa forme est inimaginable et cela rayonne plus subtil que le subtil. C’est plus loin que l’éloignement, et c’est ici, tout près ; c’est ici même, caché dans le coeur secret de ceux qui ont les yeux pour le voir. »
Mundaka Upanisad
SOMMAIRE
- Yoga : Union
- Les Bases Doctrinales du Yoga : Son Lien avec le Sâmkhya
- Quel Yoga en Fonction de la Période de Vie, du Moment de la Journée, des Énergies en Soi
- Hatha Yoga et la dualité
- Kundalini Yoga, L’Éveil de l’Énergie de Conscience
- Raja yoga, la voie royale vers la libération
- Tantra-yoga, La Libération de l’Être dans la Vie Même
- Yoga, une pratique psycho-physique d’expansion de la conscience.
- Sources Bibliographiques
- Pour aller plus loin
Yoga : Union
Le mot yoga, par sa racine sanskrite yug, signifie « atteler ensemble, joindre, unir ». Il s’apparente au latin jugum et jungere, et a donné en français le mot joug. Deux interprétations sont traditionnellement données :
1. Le Yoga est « l’union de l’être individuel (jîvâtman) au Principe suprême (Paramâtman) ».
2. Le Yoga est la coordination, l’unification des différents éléments du psychisme humain, comparés à des chevaux fougueux qui seraient disciplinés et attelés à un même char.
Ces deux interprétations sont liées et non contradictoires, la seconde étant la discipline pour atteindre la première.
Les Bases Doctrinales du Yoga : Son Lien avec le Sâmkhya
Le Yoga se présente comme lié à un autre « point de vue » (darshana) traditionnel, le Sâmkhya. Le Sâmkhya établit les principes sur lesquels le Yoga fonde la pratique, et définit avec clarté le but que le Yoga se donne pour cible, de sorte que toutes les disciplines que propose le Yoga sont dépourvues de sens si l’on ne comprend pas la cosmologie fournie par le Sâmkhya.
Ainsi, le Sâmkhya est la base théorique, le Yoga la pratique, ou mieux la praxis.
Bhagavad-Gîtâ (III, 5-6) :
« Seul est les esprits puérils opposent Sâmkhya et Yoga, mais non les sages. Qui est vraiment maître de l’un est assuré du fruit des deux. »
Tout l’effort du yogin (adepte du Yoga) est incompréhensible si l’on n’a pas accepté préalablement les données fondamentales établies par le Sâmkhya.
Le Yoga fait partie des six Darshana « points de vue » de l’Hindouisme.
Ces six Darshana, « points de vue », sont : le Nyâya, logique et méthodologie établissant les modes de la connaissance juste; Le Vaisheshika, physique atomiste , le Sâmkhya, cosmologie et dénombrement des degré de réalité; le Yoga, méthode de libération spirituelle; la Pûrva-mîmâmsâ, « première réflexion » sur le Véda qui en est l’exégèse approfondie, et l’Uttara-mîmâmsâ, « seconde réflexion » sur le Véda, appelée plus spécialement Vedânta.
Voici ci-après les « briques » ou principes de base du Sâmkhya :
BASES PRINCIPIELLES DU SAMKHYA - 24 + 1 éléments
| Purusa | La conscience en tant que Principe spirituel en chaque individu. L’Esprit |
| Prakriti | la nature ou cause première de la Manifestation particulière – la substance représentée en chaque être. Constitués par les trois guna Sattva, Rajas et Tamas sont respectivement : |
| Buddhi (Mahat) | actualisation de prakrti – l’Intelligence. La faculté de détermination. |
| Ahamkâra | l’Ego – le sens de l’individualité. |
| Manas (Citta) | Le mental (et le psychique) |
| 5 Jñânendriya (facultés sensorielles) | Shrotra : Oreille – Ouïe. Tvac : Peau – Toucher Caksus : Oeil – Vue. Jihvâ : langue – Goût. Nâsikâ : Nez – Odorat |
| 5 Karmendriya (facultés d’action motrices) | Vâc : Bouche – Parole Hasta : Mains – Bras – Préhension Pâda : Pieds – Jambes – Marche Pâyu : Anus – Excrétion Upastha : Sexe – Procréation. |
| 5 Tanmâtra (Principes subtils agissant dans les éléments) | Shabdatanmâtra : le principe du son Sparshatanmâtra : le tangible et le thermique Rûpatanmâtra : la couleur et la forme Rasatanmâtra : la saveur Gandhatanmâtra : l’odeur |
| 5 Mahâbhûta (Forces élémentaires Monde extérieur) | Âkasha : l’éther ou espace vibrant Vâyu : l’air Tejas : le feu Ap : l’eau Prthivî : la terre |
Quel Yoga en Fonction de la Période de Vie, du Moment de la Journée, des Énergies en Soi
Il existe différents types de yoga, tels que le Hatha, Kundalini, Raja, Tantra, ayant chacun a son propre positionnement par rapport à la dualité.
hatha yoga et la dualité
Pour le Hatha-Yoga, la dualité est très présente. La santé et la maladie, le bien et le mal, l’inspiration et l’expiration, le yogin et l’homme dans le monde, la vie et la mort.
Le yogin est ainsi gouverné par Prakrti, la Nature du Samkhya et pourvu des 3 gunas : Sattva, Rajas, Tamas ; cependant, la pratique du Yoga va tenter de faire triompher l’un des trois : Sattva, légèreté et luminosité.
Comme l’indique la Hatha Yoga Pradipika :
H.Y.P I.17 : La prise de posture (âsana) formant le premier élément du Hatha-Yoga est décrite tout d’abord. Elle a pour résultat la fermeté de la position, la disparition de toute maladie et la légèreté physique.
La fermeté lutte contre Rajas, tendance à l’hyperactivité agitée et instable. La disparition de la maladie et la légèreté luttent contre Tamas, la lourdeur et l’opacité.
Toutes les postures ont pour objet de protéger le Yogin contre la maladie et la mort. De la même façon, une part importante du 1er chapitre de la H.Y.P est consacré à l’alimentation afin de préserver la santé du corps. Le Pranayama est également voué à éviter à la mort de venir en permettant au Yogin de maintenir l’intégralité du Prana (énergie vitale) en lui.
H.Y.P II.5 : Lorsque l’entier circuit des nâdis, saturé d’impuretés, devient purifié, alors seulement le Yogin devient capable de contenir le prâna intégralement.
Les 3 grandes influences sociales sont parfaitement décrites :
– Importance de l’individu cherchant à s’alléger et à progresser, persistance du bien et du mal.
– Importance de la santé qui sépare bien-être et souffrance, et tentative de retarder la mort.
– Chaque acte, chaque volonté, chaque niveau de conscience révèle un processus visant à atteindre des objectifs : Persistance du moi et du ça.
Le risque est alors élevé d’oublier ce que la H.Y.P donne en postulat de départ du Hatha-Yoga :
H.Y.P I.3 : A ceux qui ne peuvent connaître le Râja-yoga, tout égarés qu’ils sont dans les ténèbres résultant de la multiplicité des opinions, Svâtmârâma dans sa compassion offre cette « lampe du Hatha-yoga » (compose cet « éclaircissement du Hatha-yoga »).
On ne peut être plus éloquent sur la position du Hatha Yoga et sur cette notion de multiplicité d’opinions (le pour et le contre), et donc de dualité.
En dernière analyse, Hatha Yoga vise à la purification des élans vers la diversité des expériences, émotions et pensées pour atteindre un état de contentement et de neutralité propices à la méditation.
Hatha-yoga, qui signifie union du soleil et de la lune, finit par substituer dans le pratiquant deux courants d’énergie vitaux et antagonistes à la multiplicité des états d’âme initiaux.
Et c’est à la Gheranda Samhita que nous empruntons le mot de la fin, caractéristique de l’influence Samkhya et de la dualité omniprésente : Force et faiblesse, santé et maladie, apparence et essence, ami et ennemi, dégradation et purification et enfin dénombrement de l’univers tout entier en « principes » :
G.S I.4 : Il n’existe pas de lien plus redoutable que mâyâ la force de l’ « apparence » ; pas de puissance plus grande que celle de yoga ; pas d’ami plus fidèle que Jnâna, la connaissance ; pas d’ennemi plus farouche que l’égo, ahamkâra.
G.S I.8 : Le corps se dégrade comme se dissout un pot de terre crue jeté dans l’eau. Il est donc nécessaire de le passer au feu du Yoga, de le fortifier et de le purifier.
kundalini yoga, L’Éveil de l’Énergie de Conscience
Cette voie partage avec le Hatha-yoga les techniques de purification et les pratiques de postures.
Les respirations du Yoga sont accentuées et le recours aux contractions, visualisations et sceaux est systématisé. Le dualité esprit/matière reste présente et le caractère illusoire ou réel de l’expérience sensorielle n’est pas vraiment mis en avant. C’est finalement au niveau de la conscience que s’effectue la principale différence. L’accent est mis sur une énergie de conscience localisée à la base du corps appelée kundalini et qui gît endormie. L’expérience sensorielle et individuelle peut alors avoir lieu dans chaque être humain. Pour ceux qui pratiquent ce Yoga, la kundalini doit être éveillée afin que le pratiquant accède à la totalité de son potentiel. Cet éveil prend la forme d’une ascension de l’énergie le long de l’axe cérébro-spinal avec traversée de centres psychiques d’énergie nommés Chakras.
Toute la pratique est orientée vers cette ascension et l’état de liberté et de pouvoir qu’elle suppose. La notion de puissance et de pouvoir au sens large est très présente car l’accomplissement final se fera par accès puis dépassement de ces pouvoirs.
Le souffle est utilisé pour améliorer la santé, permettre une amélioration du fonctionnement des centres d’énergie. La pratique des exercices de respiration permet de calmer un mental agité, de soigner des maladies, d’effacer des douleurs, d’augmenter des performances. La personne reste ancrée dans son corps, sa personnalité et ses performances, tous trois créant de la souffrance par différence entre le souhait et les possibilités…
Cependant, il est possible d’utiliser le souffle pour l’unification de la conscience par l’expansion du champ de conscience. C’est parce que toutes les expériences des sens sont liées aux mouvements du souffle que le mental ne peut jamais s’apaiser. Le souffle devant fonctionner, l’expérience sensorielle est également inévitable. C’est de cette expérience sensorielle que naît la division, la limitation, l’inscription dans le temps et l’espace et par conséquent la souffrance.
raja yoga, la voie royale vers la libération
Souvent dénommée Voie royale ou Yoga de Patanjali, cette discipline emprunte volontiers les deux chemins de la dualité et de la non dualité.
L’influence Samkhya est incontestable dans les Yoga Sutras de Patanjali. Cependant l’impossible accès à Purusha, la conscience universelle, posé en principe par le Samkhya est commué en une voie difficile en 8 étapes qui, sans renier la dualité apparente, la transforme en unité essentielle de la conscience du fait de l’importance donnée à Samyama : la concentration, la méditation et l’enstase.
Les 8 étapes du Raja Yoga sont :
Yama : réfrènements : Non-violence (ahimsa), Vérité (satya), Absence de vol (asteya), Continence (brahmacarya), Pauvreté (aparigraha),
Niyama : Les disciplines : Saucha : pureté, Samtosa : contentement, Tapah : ascèse, austérité, Svâdhyâya, Isvara pranidhâna : dévotion à l’être omniscient, méditation sur la divinité.
Asana : Les postures
Pranayama : Le contrôle de l’énergie vitale via le souffle
Pratihara : Le retournement des sens
Dharana : Les concentrations
Dhyana : La méditation
Samadhi : la libération
Mais finalement le plus important dans cette voie est que le corps est beaucoup moins mis en avant. Les pratiques de postures et de respirations sont principalement vues comme des phases préparatoires destinées à ceux qui ne peuvent rester stables par rapport à leur corps ou à leurs sens, ni fervent en ce qui concerne leurs énergies.
Postures et respirations visent à débarrasser le pratiquant de ses illusions relatives au corps, aux sens et au mental. Tous sont vus comme illusoires et sources de souffrance. La concentration et plus encore la méditation sont pratiquées afin de se libérer de ces illusions.
Il n’y a plus vraiment de dualité au niveau de la conscience même si elle demeure au niveau de l’apparence. L’unité consciente fondamentale et essentielle est réalisée par l’introspection sur la nature réelle du Soi, c’est-à-dire de la qualité d’Etre, débarrassée de toutes les formes de possession ou de différence. Seul le Soi est réel, tout le reste est illusoire, anxiogène et source de souffrance.
tantra-yoga, La Libération de l’Être dans la Vie Même
Accompagnée d’une réputation sulfureuse, cette voie très mal comprise vise principalement la libération de l’être dans la vie même. Renoncement absolu à toutes les formes de laisser-aller, l’expérience sensorielle devient le moyen de dépasser l’égo qui ramène à lui tout ce qui est vécu et s’oppose aux autres.
Les aspects psychologiques du réel et de l’illusoire et les principes doctrinaux sont laissés de côté afin de privilégier la conscience dans l’acte, vue comme un moyen d’accéder à un niveau de conscience inconditionnel et non formatté.
Tous les actes de la vie quotidienne se prêtent à la démarche spirituelle, car il s’agit de ne pas se soustraire à l’expérience tout en n’en étant pas dupe. L’acte vécu sans en ramener les fruits à soi est considéré comme une méditation permanente, sans profit et sans égotisme. Soulignant d’un sourire patient toutes les défaillances que la vie lui présente, le yogin tente de vivre cette méditation en acte imprégné de ferveur héroïque en espérant être touché par la grâce.
Hymnes Abhnavagupta – Traduction Lilian Silburn
Du point de vue de la Réalité absolue, il n’y a pas de transmigration. Comment alors est-il question d’entrave pour les êtres vivants ?
Puisque l’être libre n’a jamais eu d’entraves, entreprendre de le libérer est vain. Il n’y a là que l’illusion de l’ombre imaginaire d’un démon, corde prise pour un serpent qui produit une confusion sans fondement.
Ne laisse rien, ne prends rien, bien établi en toi-même, tel que tu es, passe le temps agréablement.
Yoga, une pratique psycho-physique d’expansion de la conscience.
Quelle que soit la voie choisie, Yoga est une pratique psycho-physique d’expansion de la conscience.
Le plan physique (le corps), le plan psychique (souffle, pensée, intellect) et le plan spirituel (conscience) forment les 3 plateformes sur lesquelles le pratiquant va reposer successivement. Les 3 ponts pour rejoindre ces plateformes sont donnés par l’énergie vitale.
1er pont : Iccha la volonté pure
C’est par le vouloir que s’opère la première transformation. JE veux ça se change en je veux être (libre et disponible).
Par la pratique des Asana, le pratiquant va retrouver l’état naturel de son corps dans lequel la détente, le plaisir de faire et la disponibilité sans objectif sont des valeurs d’expansion. Le corps passe de l’état d’outil corvéable à merci à celui de temple dans lequel toute l’expérience du vivant a lieu.
Ce n’est pas par l’entrainement que le yoga entre dans le corps, c’est par l’effacement des devoirs, des contraintes et des responsabilités qui raidissent le corps, musèlent les énergies et particularisent la conscience. Alors se produit l’expansion de la conscience du corps.
2ème pont : Kriya : l’acte pur
L’énergie est disponible car elle ne se place pas sur des objectifs personnels.
Par les pranayama (respirations), l’individu s’aperçoit que son être ne s’arrête pas à la barrière de la peau. Cela peut paraître évident mais c’est une découverte fondamentale. Chaque être humain tient pour « je » et « mien » ce qui se trouve à l’intérieur de son enveloppe corporelle. Au-delà se trouvent les objets, le « ça ». Or par la pratique des respirations, on vérifie que le souffle expiré est encore « moi » au-delà du corps, que la chaleur de l’énergie vitale se prolonge plus loin que la peau. Par son énergie, l’être humain se prolonge. Plus le niveau d’énergie est élevé, plus l’expansion de l’être est importante.
C’est l’énergie vitale, dont le souffle est la manifestation externe, qui permet d’abord la prise de conscience, mais c’est surtout la disponibilité de cette énergie qui permet l’expansion. Fatigué par les tâches quotidiennes auxquelles il consacre sa vie et les grands enjeux de sa suprématie au sommet de la chaine alimentaire, l’homme ne dispose plus d’aucune énergie disponible et ne peut éviter de laisser s’opposer un moi sujet à un univers objet. Ainsi la pratique despranayama restaure des énergies disponibles et directement utilisables pour sa propre expansion psychique.
3ème pont : Jnana : la conscience pure dans laquelle il n’y a plus d’objet ni de lien sujet-objet
Par la concentration et la méditation, l’identification à toutes les expériences se relâche. L’amalgame du spectateur et du spectacle cède. Sur cette 3ème plateforme, le yogin n’oppose plus moi à ça.
C’est le retour à son état essentiel et naturel qui fait basculer l’être dans la joie et l’harmonie. Sa tentative est alors facilitée par la 3ème énergie. Il ne reste plus alors qu’un pur sujet libre et conscient.
Sources bibliographiques :
Christian Coupé : extraits de Fascicules de retraites de Yoga
Sâmkhya Karika, Shraddhananda Giri
Tara Michaël : les voies du Yoga
Tara Michaël : Hatha Yoga Pradipika
Alain Daniélou : Yoga, Méthode de réintégration
Pierre Feuga, Tara Michaël : Que sais-je ? Le Yoga
Jean Papin : Gheranda Samhita
Upanishads du Yoga, dont la Yoga kundalini Upanishad, traduction Jean Varenne
Yoga sûtra de Patanjali
